HCCH – CONFÉRENCE DE LA HAYE (Juillet 2022)
L’association RAIF a été honorée de participer cette semaine en tant qu’observateur à la première journée de la 5e commission spéciale (C.S.) HCCH Convention adoption 1993 qui s’est tenue cette année du 4 au 8 juillet 2022. Nous avons ainsi été convié.e.s à exprimer nos suggestions pour contribuer à une amélioration de l’adoption Internationale et porter la parole de personnes adoptées de différents pays d’origine auprès de l’instance de référence internationale dédiée à l’adoption.
Discours qui a été prononcé par l’association RAIF :
Je vous remercie Madame la Présidente. Merci de nous offrir l’opportunité d’assister à cette 5e commission Spéciale et de nous donner la chance de pouvoir nous exprimer. Voici les préconisations de RAIF auxquelles nous avons ajouté les propositions transmises par les différentes personnes adoptées et associations d’adopté.e.s en vue d’améliorer le système de l’adoption internationale :
1/ Mise en place d’un protocole de soutien aux personnes adoptées
Le rapport des conclusions et recommandations des précédentes CS de 2010 et 2015, reconnaît que des évaluations, une préparation, des rapports, la compatibilité de l’apparentement et un soutien post-adoption appropriés, tant pour l’enfant que pour les futurs parents adoptifs, permettraient de réduire les risques traumatiques liés à l’adoption internationale, ce qui conforte notre idée de mise en place d’un protocole dédié pour réduire le risque de traumatisme chez la personne adoptée.
Ainsi, la mise en place d’un protocole d’aide à la recherche des origines gratuit, par pays et sans limite de temps, donnerait accès à un soutien diplomatique, administratif, juridique et financier pour les personnes qui le souhaitent dans le pays d’accueil et à la prise en charge des frais de transport (aller-retour) vers le pays d’origine. Il est très important que toutes les personnes adoptées puissent bénéficier d’un accès et d’un accompagnement psychologique gratuit et à vie par des thérapeutes spécialisés. Dans le pays d’origine, ce protocole pourrait donner droit à une solution d’hébergement, une aide culturelle et linguistique, un accompagnement lors de la rencontre avec la famille biologique avec le soutien d’un traducteur et d’un spécialiste du pays d’origine. En outre, pour les personnes souffrant de troubles traumatiques liés à une adoption forcée ou aux personnes en situation de handicap, la mise en place d’un protocole renforcé, adapté, gratuit et à vie, pourrait également être envisagé.
2/ Mise en place de tests ADN
Comme cela a déjà pu être réalisé en Argentine avec la Banque Nationale de Données Génétiques (BNDG), qui a fété cette année ses 35 ans d’existence au 1er juin 2022, nous reconnaissons l’importance de la mise en place de tests ADN gratuits, légaux, sécurisés et encadrés dans tous les pays, tant d’accueil que d’origine, concernés par l’adoption. Cette mesure pourrait être complétée par la création d’une base de données collaborative par pays intégrant la famille de naissance. Les tests ADN demeurent aujourd’hui la seule manière scientifique d’assurer la fiabilité d’un lien de filiation entre une personne adoptée et sa supposée famille de naissance. L’encadrement de cette pratique permettrait d’éviter l’utilisation des données personnelles et d’empêcher toute activité commerciale qui en découlerait. Avant la mise en place effective d’une banque nationale de données des tests ADN, pour les personnes pouvant justifier qu’elles ont été adoptées, une première avancée serait de procéder à la dépénalisation des tests ADN dans tous les pays où ils sont encore interdits. En effet, un encadrement étatique est indispensable pour éviter la privatisation et la monétisation d’un marché lié à la recherche des origines.
3/ Contrôle des organismes d’adoption agréés
L’article 11 c) de la Convention de 1993 prévoit déjà que les organismes d’adoption agréés soient soumis à la surveillance par les autorités compétentes, et cela est répété dans la boîte à outil. De manière plus concrète, il semblerait judicieux de renforcer cet aspect par un contrôle des organismes d’adoption agréés tous les 3 ans, à l’instar de la durée de validité des agréments délivrés aux candidats à l’adoption. Ce contrôle permettrait de vérifier la probité des acteurs de l’adoption et la conformité des dossiers d’adoption passés et en cours de procédure. Afin de limiter toutes dérives, en cas de soupçon de pratiques douteuses, la suspension immédiate de l’agrément de l’OAA et de toutes procédures d’adoption en cours de l’opérateur devrait pouvoir être prononcée. Cette mesure devrait pouvoir être complétée par la mise à pied immédiate de toute personne soupçonnée de corruption ou de trafic d’influence et d’une interdiction de travailler à vie pour une association caritative liée à la protection de l’enfance.
4/ Identité
Lors des précédentes Commissions Spéciales pour la Convention Adoption de 1993, il a été acté qu’une personne adoptée se voit attribuer la nationalité de l’un des parents adoptifs ou de l’Etat d’accueil. Il nous apparaît également opportun d’offrir la possibilité à celles et ceux qui le souhaitent d’ajouter les noms des parents de naissance sur les papiers officiels.
Cette option permettrait de résoudre la problématique de la double identité pour éviter aux personnes adoptées ayant une double identité d’être inquiétées aux frontières (ex : Chili, Guatemala…)
Dans le cadre de l’application du droit à son identité personnelle, toute personne adoptée devrait pouvoir procéder, à sa majorité, à l’annulation ou la révocation de la procédure d’adoption plénière dont elle a fait l’objet, sur attestation de faits justifiant cette requête. Elle devrait également pouvoir recouvrir son identité de naissance et ses liens de filiation administratifs originels. Enfin chacun devrait, s’il en émet le souhait, pouvoir opter pour la double nationalité si son pays d’origine l’y autorise.
5/ Adoption Illégale
Le projet de Boite à outils développé par un Groupe de travail de la HCCH, fait référence au fait que certains États ont mis en place des enquêtes indépendantes et internationales sur des adoptions où des irrégularités auraient pu être constatées, ceci grâce à une coopération entre États et Autorités centrales compétentes. Nous soutenons très fortement cette proposition qui va également dans la direction de ce que la Belgique, la Suisse, les Pays-Bas et la Suède ont fait. Il conviendrait également de légiférer pour assurer un cadre juridique permettant de dénoncer une adoption illégale même si le délai de prescription est dépassé. À terme, la suppression du délai de prescription devrait être envisagée.
Dans la continuité du dispositif ICATAP (Programme d’assistance technique de la HCCH), mentionné lors de la CS de 2000, la HCCH pourrait initier une formation dédiée pour au moins une personne officielle de contact pour chacun des pays membres ou qui aurait ratifié la convention HCCH Adoption de 1993. Cette personne pourrait être intégrée à l’autorité centrale compétente ou être membre d’un observatoire international et indépendant sur les pratiques et les adoptions illégales dans tous les pays concernés. Un tel observatoire pourrait permettre d’assurer le contrôle de la mise en application de la Convention Adoption de 1993 et assurer aussi la fonction de centre de ressources par pays d’origine et ce dans tous les pays d’accueil. Il serait de plus judicieux d’intégrer des personnes adoptées au sein de l’observatoire, ce qui permettrait une meilleure représentation de leurs intérêts.
LES PROPOSITIONS DE RAIF SONT SOUTENUES PAR :
ONG Chilean Adoptees Worldwide (CAW), aide à la Recherche d’Origines pour le Chili
Association Adoptecoute
Association Des racines naissent des ailes (Éthiopie)
Maylis Dartigue, adoptée du Sri Lanka, autrice et réalisatrice du film documentaire “Sri Landaise” diffusé mardi 6 juillet 2022 sur France3
Joohee Bourgain, adoptée de Corée du Sud et autrice de l’essai “Adoption internationale, mythe ou réalité”, éd. Anacaona
Carmen Maria Vega, adoptée du Guatemala, artiste et autrice du livre “Le chant du bouc” aux éd. Flammarion