Adoptions illégales à l’étranger : une pétition pour l’ouverture d’une enquête parlementaire

Néon
Publié l(
Chloé Subileau)

Les personnes adoptées à l’étranger font souvent face à un mur lorsqu’elles recherchent leurs origines. Luttant contre cette omerta, le Collectif RAIF demande l’ouverture d’une enquête parlementaire sur les adoptions illégales en France depuis 1970. 

Documents falsifiés, date ou lieu de naissance erronés histoires incorrectes, archives détruites … Pour les enfants adoptés à l’étranger depuis 1970, la recherche de leurs origines est une véritable épreuve. Ils se retrouvent isolés, seuls face au silence de l’administration. « Il y une vraie omerta dès qu’il s’agit de l’adoption. Les personnes adoptées, devenues pour la plupart adultes, doivent pouvoir obtenir des réponses à leurs questions », réclame Emmanuelle Hebert, 46 ans, membre du Collectif pour la Reconnaissance des Adoptions Illicites en France (RAIF).

Constitué de personnes adoptées et de parents adoptifs, le collectif a lancé, le 11 février, une pétition pour l’ouverture d’une enquête parlementaire sur les adoptions illégales en France depuis 1970. « Il ne s’agit pas d’accuser, mais de questionner. C’est un moyen de libérer la parole, dans la bienveillance, et d’alerter sur les difficultés auxquelles font face les personnes adoptées en quête de leurs origines », explique Emmanuelle Hebert.

Mettre à jour les pratiques illicites

En France, les textes de loi sur l’adoption internationale datent pour certains de 1966, et ne correspondent plus à la réalité. Les personnes adoptées qui désirent avoir des informations sur leur famille biologique font alors face à un mur. Baladées d’institution en institution (orphelinats, OAA telles que Rayon de Soleil, institutions françaises…), elles doivent se démener pour obtenir des informations sur leurs origines, mettant parfois à jour des pratiques illicites.

Ces cas ne sont pas isolés. A tel point qu’en Suisse, comme aux Pays-Bas, des enquêtes ont été diligentées sur la question. Dans ces deux affaires, les gouvernements se sont alors engagés à aider les personnes adoptées en quête de leurs origines. Et c’est ce que souhaite le Collectif RAIF, comme l’explique Emmanuelle Hebert : « Il faut faire exactement la même chose en France, et c’est pourquoi nous avons lancé la pétition. »

Signée par des personnalités comme l’auteure Marie Bardet et la chanteuse Carmen Maria Vega, la pétition a déjà atteint plus de 1000 signatures. Et pour le Collectif RAIF, son intérêt est d’autant plus grand que tous les pays d’accueil d’enfants adoptés sont à ce jour confrontés à ces dérives, tant de la part des gouvernements que des intermédiaires.Du Mali au Sri Lanka en passant par le Pérou, le Guatemala, l’Ethiopie ainsi que l’Inde, des abus et dérives sont constatés.

« J’ai appris que ma mère était vivante »

C’est justement en Inde, à Calcutta, qu’Emmanuelle Hebert a été adoptée. Après plus de vingt ans de recherche, elle ne connaît toujours pas la vérité sur sa famille biologique, malgré trois voyages dans son pays d’origine en 2006, 2008 et 2019. La première fois qu’elle s’y est rendue, l’orphelinat dans lequel elle a été abandonnée lui a gentiment demandé de renoncer à ses recherches. Elle a alors attendu deux ans avant d’y retourner, demandant une nouvelle fois des informations sur sa famille biologique.

« Pour la première fois, j’ai appris que ma mère était vivante, contrairement à ce qui était indiqué sur mes documents officiels d’adoption. L’orphelinat a alors organisé une rencontre, raconte Emmanuelle Hebert. Pendant onze ans, par l’intermédiaire de l’orphelinat, j’ai donné des nouvelles, envoyé des lettres, des photos, sans aucune réponse de sa part, avant d’apprendre que la personne que j’avais rencontrée n’était visiblement pas ma mère biologique… » Preuve que beaucoup reste à faire pour aider les personnes adoptées, alors que ces recherches sont généralement essentielles dans la construction de leur identité.