ONU – COMITÉ DES DISPARITIONS FORCÉES (Septembre 2023)

L’association RAIF a été honorée de participer à la 457e réunion, 25e session du Comité des disparitions forcées (CED) des Nations Unis qui s’est tenue du 19 au 21 septembre 2023 à Genève.


Discours prononcé par Emmanuelle Hebert, co-fondatrice et représentante de l’association RAIF – Réseau des adopté.es à l’international en France :

C’est ma propre histoire m’a décidé à m’engager dans la cause. En effet après 20 ans de recherches, après le refus de l’OAA RDSEE de me transmettre mon dossier obtenu 20 ans plus tard, après la pression subie de la part de l’orphelinat pour que je ne poursuive pas mes recherches, après des retrouvailles inespérées avec ma mère biologique, déclarée morte sur mon dossier d’adoption, après la révélation 11 ans plus tard que la personne qui m’a été présentée n’était pas ma mère… C’est de retour de ce 3e voyage en Inde, mon pays de naissance que j’ai pris la mesure en 2019 de ce qu’il venait de m’arriver, que j’ai décidé d’enquêter.

RAIF défend auprès du gouvernement français et de nos pays de naissance, les droits des personnes adoptées, dont celui de connaitre ses origines.

A l’aune de la déclaration conjointe dont nous célébrons le premier anniversaire et que nous saluons pour sa pertinence, voici des axes de travail qui pourraient être développés pour la mise en œuvre de cette déclaration conjointe dont nous saluons la pertinence :

Une étude américaine de 2013 menée par l’American Academy of Pediatrics a révélé que le taux de suicide est 4 fois plus élevé chez les adoptées. Il est temps de prendre en compte cette donnée :

  • De considérer l’adoption internationale comme une question de santé publique.
  • De dédier des fonds à la recherche sur la santé mentale des personnes adoptées avec des données chiffrées.
  • De fournir aux personnes adoptées un soutien psychologique rapide gratuit et sans limite de temps.


1/ La France pourrait instaurer un protocole d’aide à la recherche des origines, par pays et sans limite de temps.

  • La restauration des liens de coopérations internationales pour les pays notamment dans lesquels la recherche des origines n’est pas soutenue. En effet, elle est essentielle afin de faciliter les démarches des personnes adoptées et le dialogue avec les autorités locales.
  • L’accompagnement des personnes adoptées assuré par des spécialistes devrait inclure un soutien juridique, diplomatique, administratif.
  • Il est impératif d’intégrer des adoptés au sein de toutes les instances dédiées afin qu’elles apportent leur expertise et qu’elles soient consultées dans les prises de décisions substantielles. Ne pas nous associer reviendrait à créer une structure de défense de droits des femmes sans y intégrer de femmes.
  • Les États pourraient donner les moyens aux organisations indépendantes à but non lucratif et expertes dans l’assistance aux recherche, collaborer avec les structures d’adoptés qui ont toujours fait preuve d’intégrité et qui ne tirent aucun profit de leur activité.
  • Les activités de recherche ne devraient pas être centralisées par les États ou les organismes ayant été impliqués dans des pratiques illicites.
  • Les pays ayant ratifié la convention de La Haye doivent se conformer, sans condition à la demande des personnes adoptées et transmettre les informations à qui elles appartiennent légitimement.
  • Les personnes en situation de handicap, devraient pouvoir bénéficier de facilitation et d’un soutien logistique pour se rendre dans leur pays d’origine.

L’accès aux origines, droit fondamental, non négociable, ni monnayable ne peut faire l’objet d’une transaction financière. 


2/ La France pourrait acter une dérogation exclusive aux adoptés afin qu’ils puissent effectuer en toute légalité des test ADN dans le cadre de la recherche de leurs origines.

  • Ce type de procédure pourrait s’inscrive dans un protocole juridique de proximité, via les hôpitaux en région, pour plus d’accessibilité.
  • Ce dispositif pourrait être accompagné d’une campagne de communication internationale afin d’informer et sensibiliser mères biologiques et personnes adoptées.
  • Des associations partenaires de confiance pourraient coordonner des protocoles similaires dans les pays d’origine.


3/ La France pourrait faciliter l’accès à nos dossiers d’adoption et à toutes les archives y compris diplomatiques.

  • Mettre en place un protocole standardisé de restitution des informations détenues par les différents acteurs de l’adoption.
  • Assurer les adoptées en procédure individuelle de la restitution de leur dossier d’adoption à leur majorité.
  • Les opérateurs ayant participé de quelque manière que ce soit aux pratiques illégales doivent verser l’intégralité de leurs archives à l’autorité compétente et être maintenus écartés de la recherche des origines des requérants.


4/ La France devrait respecter les droits des personnes adoptées.

  • Les victimes doivent être accompagnées financièrement, diplomatiquement et administrativement dès lors qu’elles entament une action judiciaire ou toute RDO.
  • Dans le cadre d’une adoption illégale avérée, les parents de naissance doivent pouvoir rendre visite à leur enfant dans leur pays d’adoption et bénéficier d’un soutien diplomatique en cas de difficultés d’obtention du passeport ou du visa dans leur pays de résidence.
  • Les adoptés demandant l’annulation de leur adoption, pour des raisons avérées, devraient conserver la nationalité de leur pays d’accueil ou obtenir de fait, un visa permanent pour les pays qui n’autorisent pas la double nationalité.
  • La France devrait légiférer afin que les victimes puissent déposer plainte, sans être exposées au délai de prescription. A l’instar de Yooree.
  • Les états reconnaissent également les préjudices de toutes les victimes et octroient un statut de victime aux personnes adoptées et aux parents biologiques spoliés de leurs droits.
  • Les états doivent veiller à la réhabilitation immédiate et sans condition des parents biologiques qui ont subi des préjudices irréparables.

 

Pour conclure, alors que nous attendons le rapport de la mission d’inspection interministérielle en France, des excuses et la reconnaissance des adoptions illégales par la France seraient des actes forts et éloquents pour toutes les victimes.

Au nom de Carmen Maria Vega qui évoque depuis 2012 le trafic d’enfant au Guatemala dont elle a été victime, comme d’autres avant elle. Au nom de Yooree née en République de Corée, de Thomas né au Sri Lanka, d’Angélique née en Haïti, qui ont retrouvé leurs familles de naissance, mais s’interrogent encore de comment ils ont pu être adoptés en France sans le consentement de leurs parents. Au nom de Maya née en Inde, de Maxime né au Chili, d’Alice née en Bulgarie et de tous les membres de RAIF, des adoptées des plus des 80 pays d’origine, des générations présentes et à venir, au nom de nos familles de naissance et adoptives, au nom de nos enfants.

Nous demandons aux états partis des mesures exemplaires, garantes de leur détermination à réparer un système défaillant, gage de la considération qu’ils portent à notre cause.

Nous réclamons le respect de nos droits, de notre identité, de notre intégrité, de notre dignité.