Adoption internationale : un collectif demande un droit à l’accès aux origines
LA CROIX
Publié le 05/07/2021 (Emmanuelle Lucas)
Des enfants adoptés devenus adultes souhaitent pouvoir accéder à leurs origines, certains dénonçant de graves suspicions d’illégalité entachant leur dossier. La future loi sur la protection de l’enfance, qui réorganise le secteur, pourrait être amendée en leur faveur. Et une mission d’information parlementaire pourrait voir le jour.
Ils sont nés en Inde, au Guatemala, Brésil, Congo, Vietnam, Sri Lanka, Pérou, etc. Et de leurs origines, ils ne savent presque rien. Ce que leurs parents adoptants leur ont dit, ce qui est écrit dans quelques documents parfois rassemblés dans un dossier, pendant des années, ils s’en sont contentés. Aujourd’hui, ils se mobilisent pour obtenir des informations sur leurs familles biologiques et, parfois, lever des suspicions sur la légalité de leur adoption.
La « RDO » (pour « recherche des origines ») est au cœur des revendications du collectif Reconnaissance des adoptions illicites en France (Raif), créé par Emmanuelle Hébert, il y a quelques mois. Au départ, la jeune femme a entrepris des recherches par simple curiosité, à la mort de ses parents adoptants. « Je voulais comprendre d’où je viens, qui je suis, avoir une histoire à transmettre à mes enfants, justifie-t-elle. J’ai la peau foncée, tout de moi dit que je ne suis pas d’ici, mais je ne connais rien non plus de là-bas. Or selon la Déclaration internationale des droits de l’homme, j’ai droit à ces informations. »
« On m’a fait comprendre qu’il ne servait à rien de chercher »
Au fil de sa quête, les surprises s’enchaînent. « Tous mes papiers étaient faux. Ma date de naissance avait été changée. Quand j’ai interrogé l’orphelinat indien où j’avais été adoptée, on m’a fait comprendre qu’il ne servait à rien de chercher. » Peu à peu, le doute s’immisce et la recherche de la quadragénaire change de nature : elle souhaite savoir ce qui se cache dans son histoire. « Je suis allée trois fois dans cet orphelinat. On m’y a raconté à chaque fois une histoire différente. J’ai même rencontré une femme qu’on m’a présentée comme ma mère, avant qu’on me dise l’inverse au voyage suivant. » Face à ces invraisemblances, elle crée le collectif Raif qui réunit plusieurs dizaines de personnes dans son cas.
L’histoire d’Ame Quetzalame est proche. Lui aussi a entrepris la démarche pour se « sentir entier ». Lui aussi s’est confronté à des dossiers vides et bourrés d’incohérences. Il mène alors des recherches sur Internet, avec pour seul indice d’avoir été adopté au Guatemala, pendant la guerre civile. En 2019, il découvre qu’il a en fait été volé pendant la guerre civile, une pratique courante à l’époque. Il retrouve même la trace de sa mère qui avait, de son côté, engagé des recherches pour le retrouver. « Je n’ai pas pu la rencontrer car elle est décédée trois mois avant que mes recherches n’aboutissent, se désole-t-il. Mais j’ai renoué avec cinq frères et sœurs restés sur place. Certains se souvenaient de moi. »
La Suisse et les Pays-Bas ont réagi
Ces histoires ravivent les doutes sur les pratiques de l’époque et les adoptions réalisées dans des pays en guerre. « C’est une affaire d’État », assure Emmanuelle Hébert. Confrontés à des accusations similaires, la Suisse s’est excusée et les Pays-Bas ont interdit les adoptions internationales. Rien de tel en France, où les contrôles se sont néanmoins considérablement renforcés depuis l’adoption de la Convention de La Haye en 1993. Le nombre d’adoptions internationales a d’ailleurs drastiquement chuté, passant de 3 095 en 2001 à 421 en 2019.
« Nous voulons que les dossiers soient rouverts et que la France s’explique », assène la militante. L’association a lancé une pétition en ligne pour demander une commission d’enquête, qui a recueilli plus de 35 000 signatures. La députée La République en marche (LREM) Mireille Robert a, d’autre part, adressé, le 21 juin, une demande officielle à Christophe Castaner pour que soit ouverte une mission d’information parlementaire.
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Avec d’autres, l’association espère aussi pouvoir peser sur la loi de protection de l’enfance, qui doit être examinée en juillet au Parlement. « Il est tout à fait envisageable d’élargir les compétences du Cnaop à la recherche des parents d’origine même quand il n’y a pas de naissance au secret, afin de répondre à une énorme demande d’aide », estime l’ancienne magistrate Marie-Christine Le Boursicot. Cette instance a été mise en place fin 2002 dans un contexte de fronde similaire émanant d’enfants nés sous le secret en France.« À l’époque, un même mouvement pour l’accès aux origines avait vu le jour et, chaque samedi, les « X en colère » manifestaient au Trocadéro. Depuis 2003, la création du Cnaop a beaucoup pacifié les esprits », rappelle-t-elle. Un amendement devrait être introduit en ce sens, lors de l’examen du texte par la commission des affaires sociales le 6 juillet.
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Le Cnaop facilite l’accès aux origines
Le Conseil national d’accès aux origines personnelles facilite les démarches des personnes adoptées et pupilles de l’État souhaitant connaître l’identité de leurs parents biologiques. Composé de 17 membres et 200 correspondants départementaux, il dispose de moyens légaux : consultation des registres d’état civil, du dossier administratif des maternités ou de l’Aide sociale à l’enfance, fichiers de l’Assurance maladie… Il doit concilier la demande de l’enfant et le droit au respect de la vie privée de la mère, quand celle-ci a accouché sous X. En 2008, le Cnaop avait retrouvé la mère biologique dans la moitié des 3 600 dossiers qui lui avaient été soumis.