Pour que la France reconnaisse les adoptions internationales illicites

OR NORME
Publié le 26/10/2021 (Barbara Romero)

Créé en février, le Collectif RAIF pour la reconnaissance des adoptions illicites en France, réunissant des enfants adoptés, demande à la France d’ouvrir une enquête indépendante sur les adoptions de 1960 à nos jours.


La Suisse a demandé pardon. Les Pays-Bas ont reconnu les adoptions internationales illégales. « Pourquoi la France, pays des droits de l’homme ne bouge pas ?, s’interroge Emmanuelle Hebert, coordinatrice du collectif RAIF. La Suède, les Pays-Bas, la Suisse ont apporté les preuves de ces adoptions illégales, il faudrait que tous les pays européens le reconnaissent. « Pourtant, la CIDE (Convention internationale relative aux droits de l’Enfant) de 1989, et la Convention de la Haye de 1993, ratifiée par la France en 1998, est très claire : l’adoption internationale ne doit être que l’ultime recours. « Tant qu’il n’est pas prouvé qu’un enfant est orphelin, il ne peut être adopté à l’international. » Mais depuis 1960, le collectif, qui s’est constitué via les réseaux sociaux, constate de nombreuses irrégularités, responsables de vies brisées. « Depuis février, nous agitons les drapeaux en disant qu’on est là et qu’il faut qu’on nous entende, mais il y a de nombreux lobbies, très puissants, qui disent que l’on est des cas isolés. Nous on veut prouver que l’on n’est pas isolés », ajoute la coordinatrice. Depuis février, une plainte a été déposée contre une OAA (Organismes autorisés pour l’adoption) en Ethiopie, plusieurs autres affaires sont en cours. « Ca se réveille, mais c’est très lent. L’adoption est un sujet dur, très émotionnant. » La reconnaissance des Etats permettrait une avancée et de débloquer des vies figées dans l’ignorance.

« J’ai toujours remis en cause cette adoption. J’ai découvert à 40 ans qu’on m’avait volé à ma mère »

En témoigne Ame Quetzalame, Guatémaltèque de 42 ans, installé dans notre région. « A 40 ans, j’ai appris que mon frère et moi avions été volé à ma mère. » Une mère qui n’a cessé de pleurer la disparition de ses enfants jusque sur son lit de mort, trois petits mois avant qu’Ame ne retrouve sa trace. A l’époque, la guerre civile fait rage au Guatemala. Les habitants sont sur le carreau. « On a proposé à ma mère de prendre soin de nous dans un orphelinat déguisé. Un de mes grands frères y avait bénéficié de soins médicaux et il était rentré. » Seulement voilà, on interdit les visites à la jeune maman, jusqu’au jour où elle reçoit une photo d’eux en France. « On leur a dit vos enfants vont très bien, ils ne reviendront jamais. » C’est en 2019 qu’Ame, arrivé en France à 3 ans, apprend la vérité. « C’était un trafic d’enfants. J’ai toujours remis en cause cette adoption. Tout ce que je ressentais, tout ce que l’on a dénoncé sans le savoir, c’était la vérité. On nous a volé à notre mère qui a passé sa vie à nous chercher, déplore Ame. C’est ce qu’on appelle dans certains pays des « récoltes » : on trompe des mères pour leur voler leur enfant. »

Aidé par la LIGA, Ame découvre que leur cas n’est pas isolé. « Il y a beaucoup de trafics d’enfants qui se font sous couvert de légalité, c’est ce que mon frère et moi voulons prouver », insiste Ame. Selon des rapports d’organisations internationales et du Guatemala, 5000 à 8000 enfants ont disparu pendant cette guerre civile de 36 ans. « On nous faisait passer pour des menteurs, des ingrats, parce que l’on était convaincu d’une autre vérité que celle que l’on nous imposait. J’ai été aidé par des personnes grâce à qui j’ai pu dire le mot « maltraitance ». Aujourd’hui je peux me battre pour dénoncer et rendre justice à ma mère et à ma famille qui a souffert de ce vol. Mes frères ont vécu enfermés car ma mère avait peur qu’on les kidnappe. Je souhaite permettre aux personnes comme moi de trouver la paix. » Car comme le souligne Emmanuelle Hebert, un enfant n’arrive jamais comme une page blanche. « On nous a conditionnés dans cette idée du blanc sauveur. Si tu dis que tu veux savoir, on te traite d’ingrat. Mais ce n’est pas de l’ingratitude de vouloir savoir d’où tu viens. »


La députée de l’Aude Mireille Robert a déposé une demande de commission d’enquête au président du groupe LREM Christophe Castaner. Le collectif RAIF demande un contrôle plus strict des adoptions internationales, en accord avec la Convention de la Haye. Mais aussi une vraie politique de l’adoption en France avec un système législatif pour condamner les personnes ou structures qui pratiquent ou facilitent les adoptions illicites.