Journée de l’adoption : le gouvernement se penche enfin sur le cas des pratiques illicites en France

NEON
Publié le 09/11/2022 (Lucyle Espieussas)

Alors que l’adoption internationale a émergé en France il y a une soixantaine d’années, celle-ci est loin d’avoir toujours été parfaitement réglementée. Mardi 8 novembre, à la veille de la Journée mondiale de l’adoption, le gouvernement vient enfin d’ouvrir une enquête sur ces pratiques illicites, enquête réclamée depuis longtemps par les associations de soutien aux victimes.

Les conclusions de cette “mission d’inspection” sur les pratiques illicites en matière d’adoption internationale en France sont attendues dans six mois. Ce sont la ministre des affaires étrangères, Catherine Colonna, le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti ainsi que la secrétaire d’État chargée de l’enfance, Charlotte Caubel, qui ont saisi l’inspection générale des affaires étrangères (IGAE), l’inspection générale de la Justice (IGF) et l’inspection générale des affaires sociales (Igas) à propos des pratiques illicites en matière d’adoption internationale.

Le nombre d’adoptions internationales en forte baisse

L’objectif de cette enquête est “d’identifier les pratiques illicites qui ont eu lieu par le passé pour éviter qu’elles ne se reproduisent” ainsi que “d’apporter une réponse aux demandes des adoptés”. Sud Ouest rappelle que des enfants adoptés avant la mise en œuvre de la convention de La Haye en 1993 et la création de l’Agence Française de l’Adoption en 2005 “ont fait valoir que les adoptions organisées par le passé ont pu l’être de manière irrégulière voire illégale”. La convention de La Haye impose notamment “que les adoptions soient réalisées via des opérateurs autorisés”. Mais Mediapart souligne qu’en France, il est toujours possible d’adopter via une procédure individuelle.

Dans un communiqué officiel, le gouvernement rappelle que “l’adoption internationale s’est développée de manière importante dans les années 1950 pour culminer en 2005 avec l’arrivée de plus de 4 000 enfants venus de l’étranger”.

Depuis, le nombre d’adoptions internationales a fortement diminué, passant de 4 136 en 2005 à 421 en 2019. Cette baisse dans le nombre d’adoptions internationales peut être expliquée par la mise en œuvre de la convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale de 1993 ainsi que la création de l’agence française de l’adoption en 2005 qui ont permis d’améliorer la prévention des fraudes. Mais celle-ci est également due au changement des politiques des pays d’origine des enfants adoptés.

Des adoptions illégales à partir des années 1980

Si les adoptions internationales ont baissé, le gouvernement précise que “plusieurs associations d’enfants adoptés antérieurement à la mise en œuvre de la convention et aux actions initiées par l’Agence Française de l’Adoption (AFA) ont fait valoir que les adoptions organisées par le passé avaient pu l’être de manière irrégulière voire illégale”. Lors des débats concernant la loi du 7 février, “le gouvernement s’était engagé à faire la lumière sur le phénomène des adoptions illicites, qui a pu se développer au niveau international à partir des années 1980”.

En 2021 déjà, l’association pour la Reconnaissance des Adoptions Illégales à l’International en France (RAïF) réclamait une enquête, rappelant qu’en France, “de plus en plus d’affaires font état d’irrégularités avérées, notamment au Mali, au Brésil, au Pérou, au Guatemala, mais aussi en République démocratique du Congo, en Éthiopie, en Centrafrique, en Indonésie, en Haïti ou encore à Madagascar”.

Plus de 100 000 personnes concernées par l’adoption internationale

Selon la RAIF, “l’adoption internationale concerne aujourd’hui plus de 100 000 personnes originaires de près de 80 pays différents, sur une période qui s’étend sur plus de six décennies et implique trois ministères (ministère de la justice, ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, ministère des solidarités et de la santé)”. Dès 1960, l’adoption internationale a émergé en France et en Europe ainsi qu’aux États-Unis, avec l’adoption massive d’enfants venus du Québec et de Corée du Sud puis du Sud du Viêt Nam. Mais ces adoptions, pour la plupart organisées hors cadre juridique, ne seraient pas légales selon l’association RAïF, puisque moins de la moitié des enfants adoptés dans ce cadre se sont avérés être réellement orphelins.

L’association RAIF demandait notamment “la reconnaissance de statut de victime, qui permettrait de reconsidérer les personnes adoptées non plus comme objet de transaction mais comme sujet de droit”. L’association demande également la mise en place d’un accompagnement psychologique, des tests ADN sécurisés et encadrés, un programme de recherche des origines et des personnes disparues ou encore un cadre procédural spécifique en matière de prescription pénale. Des réponses qui devraient être obtenues avec la mission d’inspection lancée par le gouvernement.

 

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